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Pratiques rédactionnelles pour les magazines à faible ou moyenne diffusion par Sheila Sampath

Par Sheila Sampath, directrice de la rédaction et de la création, Shameless Magazine

Les pratiques rédactionnelles sont une combinaison de structures professionnelles, interpersonnelles et politiques établie pour orienter les prises de décisions et le flux des travaux au cours du processus de production. De la conceptualisation d’un numéro à son exécution, ces considérations contribueront à articuler et à documenter le pourquoi, le quoi et le comment de votre travail.

La dimension politique : Définir la nature du mandat rédactionnel (ou : POURQUOI nous publions le magazine?)

1. Articulez un énoncé clair du mandat.

Que vous prépariez une nouvelle publication ou une publication existante, il est fondamental de prendre le temps d’articuler le mandat de votre magazine (ou d’en acquérir une compréhension approfondie) pour établir un cadre propice à des prises de décisions transparente et fiable. Quel rôle votre publication joue-t-elle dans un genre de publication, une industrie ou auprès d’un groupe démographique? Existe-t-il un énoncé de mission, un énoncé de vision ou un énoncé de philosophie de votre publication? Le cas échéant, quelle en est votre compréhension, ou comment vous et votre équipe rédactionnelle existante pouvez-vous les décliner ou les réinterpréter? Une discussion entre les membres de l’équipe (et du conseil, s’il y a lieu) peut être organisée à l’interne ou avec l’aide d’un coordonnateur de l’extérieur.

2. Déterminez devant qui vous devez répondre de vos décisions

La négociation de la responsabilité, dans le monde de l’édition, peut être une tâche ardue, mais elle est utile, tout au moins, pour orienter votre mandat et cerner à qui s’adresse votre publication. Quelle est votre structure de financement et quelles attentes sont liées à ces sources de revenus? Qui constitue votre bassin-lecteur et quel rôle souhaitez-vous jouer dans leur vie? Si ces deux groupes ne sont pas les mêmes, ou ont des visées conflictuelles, comment entendez-vous résoudre ces tensions?

3. Accordez priorité aux voix qui comptent

En vous inspirant de votre mandat et de votre réflexion sur votre responsabilité, demandez-vous À quelles voix devons-nous accorder une place centrale? Ces voix sont-elles actuellement représentées dans des rôles de leadership au sein de votre publication? Et, quelles pratiques et politiques devons-nous mettre en œuvre pour refléter cette vision? Vous devez comprendre que le rayonnement vers de nouvelles communautés de rédacteurs et de rédacteurs en chef est un processus continu de culture des rapports de confiance et d’établissement de relations.

La dimension professionnelle : Veiller au respect d’un flux des travaux clair et de la qualité (ou : QUE faisons-nous?)

1. Définir les rôles et les responsabilités

Dans les publications à faible ou moyenne diffusion, les employés sont souvent polyvalents. Que votre publication en soit à ses premiers balbutiements ou qu’elle soit plus établie, il est utile de prévoir la tenue d’audits semi-réguliers afin de vous assurer que les membres de votre équipe se sentent reconnus pour leur apport, et pour déterminer s’il y a de meilleures façons de structurer le pouvoir ou de répartir le travail. Lorsque les attentes liées à un poste sont clairement définies, les gens savent quand demander du soutien, à quoi consacrer leur temps et leur énergie, et comment se définir par rapport à leurs collègues.

2. Établissez les étapes du processus rédactionnel et un calendrier

La définition des phases d’un cycle de production est particulièrement importante pour le personnel et pour les collaborateurs de votre publication. Voici quelques questions à retenir :

  • Comment la conceptualisation des numéros est-elle effectuée? Qui participe à ce processus?
  • Quels processus sont en place pour rejoindre des rédacteurs ou répondre aux propositions?
  • Comment déterminerez-vous si un rédacteur est bien adapté à un article (et si ce choix s’aligne bien sur ce que vous avez défini dans votre mandat rédactionnel)?
  • À quoi aimeriez-vous que ressemble votre processus auprès des rédacteurs? À titre d’exemple, souhaitez-vous obtenir un aperçu, une première ébauche, une deuxième, une troisième?  Y a-t-il une conversation continue entre le rédacteur en chef et le rédacteur? Quelles sont les échéances que vous souhaitez que les rédacteurs respectent et lesquelles pouvez-vous garantir que vous respecterez vous-même?
  • Une fois qu’un texte est déposé, quel est le processus de révision, de vérification des faits et de correction d’épreuves en place? Si des problèmes ou changements importants surviennent tard dans le processus, comment seront-ils communiqués au rédacteur?
  • À mesure que les textes arriveront aux étapes de la mise en page et de la création visuelle, le cas échéant, comment votre mandat rédactionnel sera-t-il respecté lorsque votre directeur de la création collaborera avec les photographes et illustrateurs?
  • Quand les collaborateurs pourront-ils prévoir recevoir un paiement? Comment les informerez-vous que leur travail a été publié?
  • Quel sera le degré de chevauchement entre les numéros?
  • Comment pouvez-vous avoir des réserves pour les éventualités dans votre calendrier de publication?

En établissant les balises de ce processus, réfléchissez à la façon dont vous prévoyez le communiquer à votre équipe, et au mode de suivi des communications dans votre organisme. Note : il existe plusieurs systèmes en ligne gratuits ou peu coûteux qui peuvent faciliter la gestion de ce processus une fois qu’il a été balisé (p. ex. : calendrier Google, Trello.com, Slack).

3. Faites preuve de souplesse – demandez aux membres de votre équipe ce dont ils ont besoin pour bien s’acquitter de leur tâche

Bien qu’il soit utile d’avoir un processus et un calendrier clairement articulés, pour bien collaborer avec des intervenants de provenances diverses, il faut savoir faire preuve de souplesse. Par exemple, un rédacteur qui dépose un texte personnel traitant d’un événement de vie traumatisant peut réaliser que le processus rédactionnel peut être exigeant sur le plan émotif et avoir une incidence sur son bien-être; une personne convoquée en entrevue peut être aux prises avec une situation personnelle difficile et ne pas être immédiatement dans un bon état d’esprit pour passer une entrevue. Les exemples sont nombreux. Dans ces cas, il est utile de passer en revue votre mandat rédactionnel, et plus particulièrement de revoir ce que signifie « être responsable », cerner des voix spécifiques pour bien centrer le propos, et de demander aux collaborateurs ce dont ils ont besoin pour déposer leurs textes en respectant l’échéancier. Plus vous réussirez à préserver un climat d’ouverture dans les communications et de résoudre les problèmes avec les personnes qui collaborent avec vous, plus souple sera le processus (et la relation de travail).

La dimension personnelle : Définir des façons de travailler (ou : COMMENT travaillons-nous?)

1. Positionnez-vous par rapport à votre mandat

Pour être en mesure d’aller plus avant dans le processus rédactionnel – c’est-à-dire non seulement définir le travail qui doit être produit, mais aussi comment il doit l’être – nous devons cerner la nature de notre relation avec notre mandat, notre bassin-lecteur et nos collaborateurs. Estimez-vous faire partie de votre bassin-lecteur? Quelles communautés et identités représentez-vous, et sont-elles celles dont vous voulez faire entendre la voix? Vos réponses à ces questions peuvent vous aider à articuler les nuances de votre rôle (par exemple : rédacteur en chef comme facilitateur, par opposition à rédacteur en chef comme spécialiste; éditeur comme allié, par opposition à éditeur comme représentant). Votre relation à votre mandat et avec votre bassin-lecteur peut changer au gré du temps; c’est pourquoi il est utile de voir cette démarche comme un processus continu et itératif de réflexion personnelle.

2. Soignez votre travail

Il arrive souvent que nous héritions de méthodes de travail issues de milieux ou d’expériences inéquitables ou qui contribuent à l’usure ou à la fatigue (p. ex. : stages non rémunérés, école de journalisme, notamment). Rien ne nous empêche de redéfinir nos relations avec nos collègues, dans un cadre attentionné et respectueux. Demandez-vous : Comment puis-je établir une vision rédactionnelle solide, tenir compte des défis qui vont de pair avec un environnement où priment les échéances, et être attentionné à l’égard de mes collègues et collaborateurs afin qu’ils produisent le meilleur travail possible tout en restant fidèles à eux-mêmes? Quels apprentissages et « désapprentissages » doivent se faire pour instaurer un nouveau genre d’environnement de travail?

3. Voyez le processus rédactionnel comme une forme de développement des relations/communautés

Très peu de publications n’existent que dans le but de publier – souvent, nous nous attachons à mettre le bassin lecteur en rapport avec des connaissances, à exposer le public à de nouvelles idées ou à établir des liens entre les communautés. En notre qualité de rédacteurs en chef et d’éditeurs, nous agissons comme agents de liaison pour établir ces relations et, de ce fait, le développement de relations constitue toujours un élément central de ce que nous faisons. Ayez cette réflexion à l’esprit en poursuivant votre démarche de définition du mode de déroulement de votre travail.


Les fiches Hotsheets : Lectures utiles pour les magazines culturels et indépendants. Chaque « hotsheet » diffuse de l’information actuelle sur un sujet donné et est rédigé par un expert du domaine. Les fiches Hotsheets ont été préparés par Magazines Canada.

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La démystification de la pile d’attente en bref par Chelene Knight

Par Chelene Knight, directrice-rédactrice en chef du magazine Room, chef de la direction de #LearnWritingEssentials, auteure de Dear Current Occupant

Le mystère de la pile d’attente

Photograph of Chelene Knight
Chelene Knight

Qu’est-ce qu’une pile d’attente? La définition varie d’une personne à l’autre, d’un magazine à l’autre, et d’un éditeur à l’autre. Dans la plupart des cas, elle se définit comme l’empilade de propositions de textes qui n’ont pas été retenues pour être publiées, à la première lecture. Avec l’émergence des services de gestion en ligne des propositions, tels que Submittable, cette empilade physique de propositions a atteint les proportions d’un gigantesque classeur immatériel.

Pour d’autres, elle désigne plutôt « toute proposition non sollicitée », mais, dans le cas des magazines littéraires (les propositions sollicitées mises à part), ne pourrait-on pas dire que toutes les propositions sont non sollicitées? À l’heure où un grand nombre de magazines littéraires ont adopté les services de gestion des propositions en ligne, il n’y a plus de véritable pile d’attente; on se trouve plutôt en présence d’une série de processus destinés à déterminer où une proposition est placée « en attente », pendant qu’elle n’est pas lue, passée en revue ou considérée pour publication. Bien que l’option de soumettre votre travail en ligne ait ses avantages, le flux de nouvelles propositions a considérablement augmenté.

Les pratiques et procédures de lecture des propositions varieront selon les magazines, leurs ressources en personnel et en bénévoles, et selon quelques autres facteurs, mais le principe demeure le même dans tous les cas : il s’agit d’archiver les propositions reçues et d’en faire un suivi, et de s’assurer que le comité de lecture lise et les classe TOUTES (c’est cet aspect qui requiert tant de temps).

Ainsi donc, votre formidable nouvelle, roman ou poème est promis à se retrouver « en attente », avant même que vous n’appuyiez sur le bouton « envoyer ». Voyons comment nous pouvons démystifier la pile d’attente, car après tout, les piles d’attentes peuvent receler de véritables trésors.

Calendrier et échéances de dépôt des propositions

Si un appel de propositions de textes commence le 1er novembre et se termine le 31 janvier, n’est-ce pas là le meilleur moment où déposer une proposition? En vérité, cela n’a pas d’importance. Pour peu que vous déposiez votre proposition au cours de cette période, vous êtes en règle. Ce que plusieurs ne savent pas (et cela vaut particulièrement dans le cas des magazines trimestriels), c’est que lorsque l’appel de propositions est lancé, les propositions ne sont lues qu’à compter de la date de clôture de l’appel. Qu’est-ce que cela signifie? Si vous déposez votre texte le 1er novembre, il est à parier qu’il ne sera pas passé en revue avant la fin du mois de janvier, tout au moins. La raison en est que dans le cas des magazines trimestriels, les rédacteurs en chef et les équipes de rédaction travaillent à la préparation de quatre numéros à la fois, lesquels sont à diverses étapes de la production.

Production :

Suivi à un deuxième rédacteur en chef :
Si votre texte a été lu par le rédacteur en chef et que, bien qu’il aime votre texte, il ne peut l’utiliser, il le fera habituellement suivre au rédacteur en chef d’un numéro ultérieur (il est agréable de recevoir un courriel d’un magazine qui vous en informe, car cela signifie que vous devrez attendre deux fois plus longtemps; d’où l’importance, pour les magazines, d’en tenir les rédacteurs informés). Note : ce processus est respecté par certains magazines, mais non par tous.

Ce dont vous devez vous souvenir :

  • La plupart des magazines ont des premiers lecteurs, et votre proposition doit franchir cette étape avant d’être soumise au rédacteur en chef. C’est une étape délicate du processus, car même si vous avez fait des recherches pour trouver le rédacteur en chef et avez une bonne idée de ce qu’il aime et publie habituellement, votre proposition pourrait ne pas se rendre jusqu’à lui. Je sais que cela peut paraître décourageant, mais je vous rassure tout de suite, si votre texte se démarque, il sera publié d’une manière ou d’une autre.
  • Le processus de production est long. On ne peut y échapper. Une grande part de ce processus est vouée à réunir tous les éléments du numéro à paraître, et une grande part de cette tâche porte sur bien d’autres aspects que ceux de la lecture et du choix des textes. Il faut une année complète pour préparer un numéro, pendant que quatre numéros sont en production concurremment, mais à diverses étapes (cela vaut pour les magazines trimestriels. Si vous avez des questions, déposez-les sur Slack et je ferai de mon mieux pour fournir des réponses simples.

Faire un suivi ou ne pas faire de suivi

J’estime qu’il est tout à fait acceptable de faire un suivi auprès d’un magazine à propos du texte que vous avez proposé si vous n’avez eu aucune nouvelle depuis six mois ou plus. Mais vous devez faire preuve de prudence dans votre demande.

Le travail non rémunéré est une réalité. La plupart des équipes de rédaction des magazines littéraires sont composées de bénévoles ou d’employés faiblement rémunérés qui font ce travail avant ou après leur journée de travail. Il n’est pas recommandé de demander au rédacteur en chef d’un magazine de vous faire part de commentaires étayés. Vous pouvez toutefois lui demander si le rejet de votre article tient à un manque d’espace dans un numéro particulier (ce qui peut se produire). Vous pouvez aussi, si vous recevez un courriel du rédacteur en chef, lui demander si votre texte a été annoté et s’il serait possible de vous faire part de ces annotations. Notez toutefois que cela se produit rarement. Faites simplement preuve de courtoisie dans votre requête, et de réalisme dans vos attentes, et témoignez de votre conscience du travail additionnel que suscite votre demande.

Résumé des meilleures pratiques et principales leçons à retenir

  • Aujourd’hui, la pile d’attente est un classeur virtuel de propositions reçues et étiquetées « à lire ».
  • Comme nous sommes passés à l’ère des propositions en ligne, le nombre de propositions que les magazines reçoivent a considérablement augmenté.
  • Les équipes de rédaction préparent habituellement plus d’un numéro à la fois, et ces numéros sont à diverses étapes de la production.
  • Si un rédacteur en chef n’a pas d’espace pour publier votre texte, quelle qu’en soit la raison, il peut faire suivre le texte au rédacteur en chef responsable du numéro suivant (ou encore, s’il n’y a qu’un rédacteur en chef, le retenir pour le prochain numéro).
  • Habituellement, les textes sont lus par de premiers lecteurs avant d’être transmis au rédacteur en chef.
  • Le processus de production peut être long. La préparation d’un numéro de magazine comporte de nombreuses étapes :
    • Entrevues
    • Organisation de la structure visuelle
    • Lecture des propositions
    • Mise en page et conception visuelle
    • Démarchage pour obtenir des annonces à publier
    • Administration
    • Révision des textes
    • Lecture d’épreuves
    • Liens thématiques
  • Vous pouvez faire un suivi à propos de votre proposition, mais prenez garde de ne pas demander des commentaires étayés, car la plupart des rédacteurs en chef sont des bénévoles et la question du travail non rémunéré est toujours délicate.
  • Envoyez toujours vos meilleurs textes. Il est à parier que s’ils se démarquent, ils trouveront preneur.

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Écrire à propos des peuples et communautés autochtones : trois conseils pour bien faire les choses par Angela Sterritt

Angela Sterritt
Angela Sterritt

Par Angela Sterritt, journaliste et rédactrice, CBC

On me demande souvent en quoi la rédaction d’un article sur les autochtones se distingue des articles portant sur d’autres sujets. Et ma réponse est toujours la même. En rien.

Cela peut paraître contre-intuitif, car on nous rappelle souvent le caractère sensible, la mise en contexte nécessaire et les lacunes passées des articles sur les peuples et communautés autochtones. Mais il est de mise de faire preuve de rigueur, c’est-à-dire de tout mettre en œuvre pour traiter les articles sur les autochtones en se fondant sur les mêmes démarches d’investigation, rigoureuses, la même rigueur, sensibilité, profondeur et exactitude que l’on investit dans la préparation d’autres articles.

Il faut reconnaître que comme institution, les médias n’ont pas brillé par le caractère exemplaire de leur travail de couverture des sujets liés aux autochtones dans le passé. Nous avons omis des détails, tels que l’importance de l’attachement d’un membre d’une famille à un proche disparu ou assassiné, ou encore, nous avons adopté la voie facile en consacrant la plus grande partie du temps à traiter de la personne qui lui a enlevé la vie ou de la façon dont la victime est morte. Dans de nombreux cas, nous avons également erré dans la présentation des faits, consulté trop peu de sources ou pire encore, simplement omis de traiter d’un sujet.

La confiance à l’égard des médias a été rompue et, actuellement, certains s’attachent à essayer de la rétablir.

J’ai couvert des sujets portant sur les autochtones, non exclusivement toutefois, mais souvent au cours des dernières années, et je vous présente ici certains conseils glanés dans mon parcours – souvent inspirés de mes propres erreurs.

1. N’escamotez pas un sujet délicat

Pour certaines personnes autochtones, plus particulièrement les survivants des pensionnats, les victimes de la râfle des années soixante ou les proches de personnes disparues ou assassinées, cela pourrait être la première fois qu’elles partagent leur histoire, à cause de leur manque de confiance à l’égard des médias.

Certaines peuvent avoir été témoins ou avoir fait l’objet d’une entrevue négative, ou encore avoir vu un article publié à leur sujet ou à propos de leur communauté et où les faits présentés étaient inexacts ou constituaient de fausses présentations.

Informez les personnes que vous rencontrez en entrevue de l’échéance que vous devez respecter, du traitement qui sera fait du sujet et de votre but, mais faites preuve d’ouverture d’esprit à propos du temps qui pourrait être nécessaire pour recueillir l’information, particulièrement si le sujet est délicat.

J’ai un jour exprimé mon impatience à propos du temps qu’il a fallu pour préparer une entrevue avec un survivant; non seulement ai-je perdu l’occasion d’entrevue, mais aussi mon contact. Cela m’aura durement fait prendre conscience qu’on ne peut brusquer le traitement de certains sujets. Je veille maintenant à faire preuve de délicatesse à l’égard du temps requis.

Cela dit, vous devrez peut-être informer votre rédacteur en chef ou producteur que vous aurez peut-être besoin de plus de temps pour recueillir l’information.

Gardez également à l’esprit que cela peut ne pas valoir pour tous. J’ai également eu plusieurs survivants qui étaient heureux de partager leur information et souhaitaient qu’elle soit publiée le plus rapidement possible. D’autres ont déjà collaboré avec les médias et peuvent vous permettre de préparer un article en quelques heures. Retenez que, comme nous tous, les autochtones n’ont pas tous vécu la même expérience.

2. Soyez objectif et attentif aux stéréotypes

Une des principales lacunes en matière de rédaction sur les communautés autochtones dans le passé a été de pécher par simplification excessive des faits. On a par exemple utilisé des tropes laissant entendre que les autochtones appartenaient au passé, ou encore ne les présentaient qu’à travail une lentille culturelle, ou sombre.

Nous avons omis un contexte important qui aurait pu faciliter la compréhension d’une communauté ou d’une personne, ou encore ajouté un contexte qui n’était pas nécessaire.

À titre d’exemple, dans un excellent article d’actualité à propos du vote dans une communauté autochtone, on a présenté deux jeunes autochtones. Le propos était révélateur et convaincant. Mais, malhabilement, le reporter a interrogé les jeunes à propos du type de drogue qu’il avait utilisé dans le passé – « oxytocine ou meth »? Cela donnait peut-être du poids et un élément contextuel qui faisait ressortir les difficultés que cette communauté avait surmontées, mais nous arriverait-il de poser à une personne non autochtone la même question dans le cadre d’un article qui n’a aucun lien avec la drogue et l’alcool? Beaucoup de gens de diverses origines se sont frottés à la toxicomanie ou ont même dû lutter pour s’en défaire, mais, dans le cas des autochtones, on évoque trop souvent cet aspect.

J’ai également rencontré récemment un étudiant non autochtone enthousiaste qui me confiait avoir été avisé par un autre étudiant de ne pas demander aux autochtones de parler de leur communauté, car cela pourrait être trop traumatisant pour eux. Cette présomption est inappropriée parce que, d’une part, elle laisse entendre que tous les autochtones sont des victimes, et d’autre part, elle tient pour acquis qu’il faut éviter de traiter des histoires difficiles vécues par les communautés autochtones. Nous devons veiller à préserver un équilibre dans notre couverture des communautés autochtones, et cela signifie d’être suffisamment courageux pour couvrir les histoires difficiles, tout en reconnaissant la valeur des aspects plus positifs.

C’est une leçon qui nous apprend à éviter de nous fonder sur nos propres préjugés à propos des peuples autochtones, que ce soit intentionnellement ou par inadvertance, dans nos articles. Il s’agit ici de réfléchir aux préjugés ou tropes que vous instillez dans vos articles à cause de votre propre idée préconçue à propos des peuples autochtones.

Voici quelques pièges à éviter :

  • La victimisation : Décrire un peuple ou une personne autochtone comme s’il ou elle ployait sous le fardeau de l’histoire ou de la réalité d’aujourd’hui, ou surmontait des tragédies qui seraient sans racines dans le passé.
  • Le stéréotype de la toxicomanie ou de l’alcoolisme : Faire ressortir la toxicomanie passée ou actuelle d’une personne sans qu’elle ait de lien avec le propos de l’article.
  • Le trope du guerrier : Plutôt que présenter les préoccupations comme de légitimes inquiétudes politiques, environnementales ou socioéconomiques – décrire une personne autochtone comme un fauteur de trouble, une personne irrationnelle, voire violente.
  • L’étiquette de l’autochtone cupide/paresseux : Plutôt que de présenter un article solide sur les finances, les traités et les questions territoriales chez les communautés autochtones, faire valoir une présentation étroite, simpliste ou inexacte des enjeux, en faisant valoir que les peuples autochtones obtiennent des produits ou services gratuits (comme l’éducation ou l’essence, ce qui constitue une erreur populaire) ou des allégements fiscaux.

3. Aller visiter une communauté autochtone

Je remarque de plus en plus que nombre de reporters sont rivés à leur bureau à cause des contraintes budgétaires ou des échéanciers serrés, et c’est pourquoi je comprends que ce conseil n’est pas facile à mettre en pratique.

Mais il est difficile de bien comprendre la complexité d’une communauté sans s’y rendre, parler à ses membres et voir l’état de sa situation. À titre d’exemple, plusieurs reporters ont traité de la communauté Solo, qui se trouve près de Chilliwack, en C.-B., sans toutefois être allés sur place. La plupart des rapports se sont centrés sur un chef qui appuyait le pipeline Trans Mountain, d’un certain point de vue. Mais en me rendant sur place, j’ai pu constater que les opinions étaient partagées dans la communauté : certaines étaient clairement contre l’expansion du pipeline, alors que d’autres y étaient favorables, pour des raisons très diverses. Le fait de m’être rendue sur place m’a permis de constater à quel point la communauté était petite, combien les liens y étaient serrés et combien elle était liée aux autres communautés.

Le fait d’aller dans une communauté peut également vous permettre de constater combien elle est éloignée des grands centres, les obstacles qui y rendent difficile l’accès à l’éducation, aux soins de santé et aux transports.

Veillez à ne pas simplement vous présenter sur place; demandez la permission à un résident (qui ne doit pas nécessairement appartenir au conseil de bande) et essayez de faire concorder votre venue avec un événement communautaire. À l’époque où je couvrais l’actualité à propos des sables bitumineux du nord de l’Alberta, nous avons planifié ma venue autour d’une foire de l’emploi et d’une excursion de trappage.

Le conseil le plus important que je peux offrir est de commencer à vois les peuples autochtones non par comme des caricatures où tout est, de manière homogène, noir ou blanc, mais plutôt comme des peuples tridimensionnels complexes et diversifiés, aux opinions, modes de vie, expériences et valeurs diverses.


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Composer un contenu rédactionnel pour votre magazine régional par Anicka Quin

Par Anicka Quin, directrice de la rédaction, magazines Western Living et Vancouver

Donc, vous produisez un magazine régional — c’est super! La bonne nouvelle, c’est que les publications qui célèbrent la communauté et établissent des liens avec ses lecteurs à un niveau identitaire sont plus importantes que jamais — mais aussi plus populaires que jamais. Certains des magazines qui connaissent le plus grand succès depuis quelques années focalisent sur la célébration de ces communautés uniques et sur les liens qui en découlent — créant ainsi une identité dont le besoin n’avait pas été pressenti par le milieu (pensons à Garden and Gun, Burnt Roti, Kinfolk). Les meilleurs magazines régionaux stimulent l’imagination de leurs lecteurs, qui adhéreront à votre message communautaire et à la célébration de leur milieu.

Comment donc parvenir à ce but?

Apprenez à connaître votre auditoire

Attachez-vous à comprendre qui est votre lecteur, et soyez prêt à brosser un tableau clair de votre équipe de rédaction. Si vous êtes à l’étape du lancement, votre démarche sera d’abord fondée sur l’intuition — vous et votre cercle d’amis et de lecteurs potentiels saurez exprimer ce qui vous pique vraiment votre curiosité. Même les nouveaux magazines doivent passer beaucoup de temps dans la collectivité, pour cerner qui seront leurs lecteurs idéaux. Si vous avez un modèle publicitaire pour votre publication, vous pouvez sonder vos clients comme lecteurs potentiels. (Veillez bien sûr à distinguer ce qui les intéresse comme clients — écrivez à mon sujet! – de ce qui les intéresse comme membres de la communauté.)

Pour les publications établies, les statistiques de Vividate sont une mine d’or — fouillez-les pour bien cerner les habitudes de vos lecteurs. (Ont-ils des animaux de compagnie? Sont-ils susceptibles de dépenser plus de 20 $ pour acheter une bouteille de vin, ou portent-ils plutôt de l’intérêt pour les aubaines qui s’offrent à eux? Font-ils des voyages internationaux, ou explorent-ils plutôt les attractions locales?) Mieux vous saurez ce qui pique leur curiosité, meilleurs seront les filtres que vous aurez pour déterminer les articles idéaux pour votre magazine.

Si vous n’êtes pas membre de Vividata, menez votre propre sondage, idéalement en y jumelant un prix aguichant afin de susciter plus d’intérêt, et posez les questions psychographiques qui vous titillent vous-même. Plutôt que de simplement demander « Comment aimez-vous notre rubrique signée par X », essayez de découvrir ce qui les anime personnellement : qu’est-ce qui les passionne à propos de leurs communautés et dans la vie en général?

Vos lecteurs en ligne et vos adeptes dans les médias sociaux peuvent également être une source de commentaires. Bien que ce ne soient pas les mêmes personnes qui lisent les versions imprimées et les versions en ligne — ne tenez donc pas pour acquis que l’information que vous recueillez ici est le mot final — les statistiques que vous pouvez glaner auprès de Google Analytics vous donneront un portrait d’ensemble plus riche. Aussi, un article qui a un effet viral en ligne peut également vous permettre d’avoir instantanément une bonne idée de ce que les gens recherchent.

Qui célébrez-vous?

Les magazines sont une force vive dans une communauté. Lorsqu’ils font bien les choses, ils peuvent à la fois susciter des changements (voyez l’article de Toronto Life à propos du contrôle des cartes par la police à Toronto, et de ses effets) et renforcer la collectivité. Western Living tient un programme de prix, Designers of the Year, par exemple, et les lauréats de ces prix constatent aussitôt des changements dans leurs activités commerciales — nos lecteurs les appuient en les embauchant. Quelles communautés sont mal desservies dans votre région, et comment pouvez-vous en faire état dans vos pages?

Les gens souhaitent voir des gens

Le succès des magazines régionaux tient souvent au fait qu’ils présentent des gens de la communauté dans leurs pages. Les magazines nationaux mettent tout en œuvre pour représenter toutes les régions du pays, mais vous n’y êtes pas tenu. L’histoire de quel membre de la communauté mérite d’être racontée? Dans Western Living, appliquer le principe « les gens voient des gens » peut être aussi simple que de s’assurer que dans les maisons que nous photographions, nous prenions soin d’également photographier les personnes qui y habitent. Nous présentons les designers locaux, qui travaillent dans notre région. Les gens réagissent lorsqu’ils voient leurs voisins dans un magazine imprimé.

Développez des liens partout dans la région

Votre siège social est un élément de la communauté, et il est important que vous compreniez les enjeux et les intervenants importants de l’ensemble de votre région. Chez Western Living, nous avons des rédacteurs pigistes dans chaque ville dont il est question dans nos articles. Ils nous communiquent des mises à jour mensuelles sur les événements locaux, les nouveaux magazines et les nouveaux arrivants dans la ville, afin que nous en traitions et que nous y portions attention. Comme nous sommes un magazine qui s’intéresse au design, ils glaneront des maisons d’intérêt pour nous, et ils assisteront à des événements en notre nom. Nous cultivons également des relations avec des rédacteurs de toute la région qui produisent des histoires locales, mais nous consultons aussi nos rédacteurs des villes afin de nous tenir bien branchés sur l’actualité locale. Invitez ces rédacteurs à vos réunions de contenu lorsque vous le pouvez — leur apport à votre démarche de réflexion contribuera à l’enrichir.

Demandez « Pourquoi maintenant? », « Pourquoi nous? »

Une des décisions les plus difficiles à prendre pour un rédacteur en chef est de refuser une proposition de contenu, non parce qu’elle n’est pas intéressante, mais parce qu’elle ne s’inscrit pas dans la démarche de contenu du magazine. C’est là que votre vision de votre publication et votre connaissance de votre lecteur idéal revêtent une grande importance. Chaque article devrait répondre à une question : « Pourquoi maintenant — pourquoi est-il important de traiter de ce sujet ou de ce contenu maintenant, plutôt que l’an dernier ou en tout autre temps? » Il devrait également répondre à la question « Pourquoi nous? » En quoi ce contenu est-il de mise pour votre publication — serait-il davantage à sa place dans une publication d’intérêt général? Est-ce qu’il célèbre ou fait valoir un membre de votre communauté que vos lecteurs devraient vraiment connaître? Utilise-t-il une approche que seuls vous et votre équipe pourriez exécuter adéquatement? Si vous répondez non à l’une ou l’autre de ces questions, réfléchissez à ce qui pourrait corriger le tir.

Démarquez-vous

Plus que jamais, les lecteurs souhaitent avoir un sentiment d’appartenance à la marque. Prenez Garden and Gun, par exemple. Jessica Derrick, gestionnaire de la valorisation de la marque, a relevé « Ils savaient que si nous écrivions à propos de musique, nos lecteurs seraient tentés de l’entendre. » Ils ont écrit à propos du chef Frank Stitt, d’Alabama, puis ont affiché complet dans la vente d’un repas pour 50 personnes à Birmingham. Le magazine lance la conversation et nous, comme êtres humains, souhaitons que la communauté en discute et voulons en faire l’expérience — vivre dans l’univers que ce magazine a créé. Ces événements peuvent être des sources de revenus pour votre marque, mais ils permettent également à vos lecteurs de vous rencontrer et ils vous offrent l’occasion de mieux les connaître, et de savoir quels articles sont susceptibles de les intéresser.

Enfin, établissez votre calendrier annuel

Une fois que vous avez déterminé les sujets qui ont une résonance locale, avertissez votre équipe de rédaction, vos lecteurs et vos annonceurs longtemps d’avance. Vos lecteurs (et le moment où ils souhaiteront lire des articles sur certains sujets) sont votre priorité, mais n’oubliez pas de consulter votre équipe de publicité pour savoir si certaines périodes de l’année se prêtent mieux à la présentation d’un certain contenu. Si vous prévoyez publier un numéro annuel pour célébrer les 40 meilleurs restos de votre région, consultez votre équipe des ventes pour savoir s’ils disposent de budgets publicitaires plus généreux pour les restaurants, fournisseurs, marchés, par exemple, à certaines périodes de l’année.


Les fiches Hotsheets : Lectures utiles pour les magazines culturels et indépendants. Chaque « hotsheet » diffuse de l’information actuelle sur un sujet donné et est rédigé par un expert du domaine. Les fiches Hotsheets ont été préparés par Magazines Canada.

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Vérification des faits 101 par Conan Tobias

Par Conan Tobias, rédacteur en chef, Taddle Creek

Introduction : L’état des lieux en matière de vérification des faits

Il existe deux types de vérification des faits : celle qui fait partie du processus rédactionnel avant la publication de l’article, et celle qui survient après la publication, lorsque les articles ou vidéos, les publications dans les médias sociaux ou les commentaires d’une personnalité publique sont remis en question. Cette fiche Hotsheet porte sur la vérification des faits avant la publication des articles, mais compte tenu de la place importante que les « fausses nouvelles » ont prise au cours des dernières années, il est important que tout journaliste soit sensibilisé à la question de la fausse information et participe à la lutte contre ce fléau. À titre d’exemple, le New York Times, Mother Jones, et BuzzFeed sont quelques exemples des publications qui ont récemment mis sur pied des « projets sur l’information erronée » afin d’identifier le contenu erroné présenté en ligne, en faisant appel, dans certains cas, à l’aide des lecteurs. L’article du spécialiste de la vérification des faits Brooke Borel, dans l’article « Fact-Checking Won’t Save Us From Fake News » paru dans FiveThirtyEight est un excellent point de départ et présente une opinion éclairante sur le sujet.

Jusqu’au début du siècle actuel, plusieurs jeunes journalistes ont fait leurs débuts dans des magazines canadiens comme vérificateurs des faits. Ces postes n’existent pratiquement plus aujourd’hui, à cause des ressources financières de plus en plus réduites de l’industrie au cours des dernières années. Pour cette raison, il est plus important que jamais que tous les intervenants qui participent au processus rédactionnel comprennent la démarche de vérification des faits. Traditionnellement, il était mal vu d’effectuer soi-même la vérification des faits de ses propres articles. Mais il vaut mieux vérifier vous-même les faits que de ne pas les vérifier du tout. Si vous êtes réviseur, vous ne voudrez probablement pas, faute de temps, faire une vérification rigoureuse des faits de chaque article qui vous est confié, mais en sachant ce qui doit être surveillé et quelles sont les erreurs les plus fréquentes, vous pourrez intercepter des erreurs de fait importantes qui auraient pu être embarrassantes – ou même se traduire par des poursuites judiciaires.

Qu’est-ce que la vérification des faits?

Un fait est tout élément d’information reconnu comme vrai : la couleur d’une maison, le solde d’un compte bancaire, une date historique, par exemple. Pour cette raison, la vérification des faits est l’acte de confirmer l’exactitude d’un fait qui est présenté. La pratique de la vérification des faits dans les médias imprimés est généralement associée aux magazines grand public nord-américains, et aurait commencé au magazine Time, dans les années 1920, sous Henry Luce et Briton Hadden. (Le magazine The New Yorker, sous la direction de son fondateur Harold Ross, est également et souvent reconnu avoir popularisé la vérification des faits.)

Pourquoi exerçons-nous la vérification des faits?

La vérification des faits est à la fois une question de fierté et une façon d’éviter les poursuites. Si vous faites état d’événements réels, vous avez le devoir de veiller à ce que l’information que vous présentez à vos lecteurs soit exacte. La présentation d’informations fausses constitue un mauvais service à l’égard du lecteur qui a payé pour lire votre article, et un tort pour les sources qui vous ont investi de leur confiance pour présenter les faits avec exactitude. De plus, les erreurs ternissent à la fois la réputation du rédacteur, et celle de la publication. Par ailleurs, si une erreur d’un pouce ou deux dans la description de la taille de quelqu’un passe le plus souvent inaperçue, il n’en est pas de même d’erreurs graves de faits – faits qui pourraient entraîner un cas de diffamation pour la source – susceptibles de se traduire par la comparution de la publication en cour, voire par la fin de ses activités.

Qui effectue la vérification des faits?

Idéalement, la vérification des faits devrait être menée par un professionnel dûment formé : une personne qui détient un diplôme universitaire ou plus, qui maîtrise quelques langues, et qui a une excellente culture générale. Cet idéal, malheureusement, n’est pas souvent réalisable à cause du budget dont dispose la majorité des magazines au 21e siècle. Aujourd’hui, la vérification est souvent entreprise (si elle l’est) par des membres inexpérimentés de l’équipe, des stagiaires ou des pigistes, mais le principe demeure : en théorie, un vérificateur des faits devrait faire table rase de ses connaissances (les vérificateurs ne tiennent jamais pour acquis qu’ils connaissent les faits; ils les vérifient). Mais en réalité, un vérificateur doit avoir de bonnes connaissances, être au fait de l’actualité mondiale, être curieux, précis et attentif, et faire preuve de méticulosité. Plus riches seront les connaissances d’un vérificateur, meilleur sera son travail.

Comment faire la vérification des faits

La vérification est habituellement menée une fois que le contenu a été révisé, mais avant le début du processus de révision des textes. Avant d’entreprendre le processus de vérification, le vérificateur devrait discuter de son approche avec le réviseur, au cas où il pourrait y avoir des sources délicates ou d’autres pièges potentiels dont il faudra tenir compte. Le vérificateur devrait commencer par lire l’article à vérifier deux ou trois fois, en marquant chacun des faits. Les auteurs devraient fournir aux vérificateurs toute la documentation où ils ont puisé l’information : notes, documents, enregistrements d’entrevues, photos et coordonnées des contacts, bien que le vérificateur devra probablement fouiller lui-même l’information.

Chaque fait devrait être vérifié auprès d’une source principale. Par source principale, on entend la source la plus compétente pour un sujet donné : le fait de demander à une source son âge, c’est consulter une source principale; la vérification de cette information auprès d’un ami de la source, c’est consulter une source secondaire. Le fait de vérifier les données financières d’une entreprise en consultant son rapport annuel, c’est consulter une source principale; la vérification des ces données par l’intermédiaire d’un article de journal, c’est (tout au mieux) consulter une source secondaire.

Une fois la vérification terminée, tout changement potentiel devrait être discuté avec le rédacteur et le réviseur. (Au besoin, une équipe juridique peut être invitée à vérifier la pièce afin de déterminer si elle peut être jugée diffamatoire ou susciter d’autres problèmes.) Chaque article étant différent, il en va de même du processus de vérification. Il n’y a pas de norme absolue.

Ce qu’il faut vérifier

Idéalement, tout doit être vérifié. Mais si vous manquez de temps et de ressources, veillez particulièrement à vérifier l’exactitude des noms, des chiffres, et la cohérence de l’article. Les faits évoqués dans les citations d’une source devraient être vérifiés, mais ne relisez jamais les citations à une source – elle pourrait regretter certains propos et vouloir les retirer. N’oubliez pas les lettres à l’éditeur, les textes d’opinion, les analyses et la fiction contiennent également des faits à vérifier.

Enfin, ne vous en tenez pas au corps de l’article : vérifiez les titres, les textes, les signatures des articles, les biographies d’auteurs et les légendes. Les photos et illustrations doivent également être vérifiées afin de garantir qu’elles illustrent adéquatement le contenu de l’article.

Ressources

Cette fiche Hotsheet n’explore qu’en surface l’art de la vérification des faits. Pour avoir une meilleure vue d’ensemble de la question, consultez les sources suivantes :
The Fact Checker’s Bible, par Sarah Harrison Smith (Anchor)
The Chicago Guide to Fact Checking, par Brooke Borel (University of Chicago Press)

Ressources pour vérifier d’autres médias
« Cutting Through the Noise: Digital Accuracy » par Craig Silverman (fiche Hotsheet de Magazines Canada)
The Poynter Institute’s International Fact-Checking Network.


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Diversifier vos collaborateurs en sept étapes par Chelene Knight

Par Chelene Knight, éditrice en chef/directrice générale du magazine Room, et directrice du festival littéraire Growing Room

Photograph of Chelene Knight
Chelene Knight

Lorsque vous envisagez de diversifier vos collaborateurs, vous devez d’abord réfléchir à ce que cela signifie pour vous et pour votre équipe. Mais qu’entend-on par « diversifier vos collaborateurs »? Cela devrait transcender les questions d’appartenance à une communauté ou de genre, et tenir compte de toutes les variables, ainsi que de leurs interconnexions. Lorsque les circonstances le permettent, tenez une réunion en personne avec votre équipe et assurez-vous que la question de la « diversification des collaborateurs » soit la seule à l’ordre du jour. Vous devriez reconnaître qu’il n’y a aucun résultat précis visé, mais qu’il s’agit plutôt d’établir un système de pratiques de responsabilisation destiné à réévaluer les efforts du magazine, tout en respectant le mandat, la mission et les objectifs à long terme de votre mandat. Interrogez-vous sur ce que signifie réellement la diversification. Demandez-vous, par exemple : Qui ne rejoignons-nous pas, et pourquoi? Comment pourrions-nous signifier à cette cible que nous souhaitons inclure son point de vue? Comment pouvons-nous traduire le plus grand nombre de points de vue possible, de façon respectueuse?

Le plus souvent, les gens proposent des articles, achètent des numéros et assistent à des événements par un processus de bouche-à-oreille, ou parce qu’ils nourrissent depuis longtemps une relation avec le magazine et ses valeurs. Trouvez un magazine qui est à l’image de ce que vous souhaitez faire et communiquez avec lui pour vous informer de ses façons de faire. Établissez des liens d’amitié et échangez. On ne devrait jamais fonctionner en mode de silo.

Première étape : Définissez vos objectifs d’inclusion

Commencez à adopter les trois clés à respecter : Transparence. Confiance. Vérité – votre voie d’accès à la réussite.

  • Vérité
    Votre ouverture et votre honnêteté à propos des intentions de votre magazine, ainsi que votre franchise à propos des erreurs que vous avez commises dans le parcours, contribueront à établir un climat de confiance avec vos lecteurs actuels. Soyez honnête à propos des points de vue qui ne sont pas représentés dans vos pages. Faites valoir (dans une infolettre hebdomadaire, par exemple) que vous VOULEZ inclure ces points de vue, mais que vous avez besoin d’un peu d’aide pour y arriver.
  • Confiance
    La confiance s’acquiert à mesure qu’un magazine traduit ses promesses par des gestes, et elle se consolide en créant des solutions rapides et concises pour apporter des correctifs lorsque tout ne se passe pas comme prévu. Avez-vous raté l’envoi d’un numéro? Avez-vous mal épelé le nom d’un collaborateur? Répondez-vous à tous les courriels? Tout est dans les détails. Il est impératif de répondre aux courriels reçus de ceux et celles que vous souhaitez rejoindre. Écoutez leurs doléances et leurs éloges et, dans votre réponse, demandez-leur d’exprimer leurs idées. Recueillez leurs idées et présentez-les à votre équipe.
  • Transparence
    Personne ne devrait s’attendre à ce que les changements surviennent du jour au lendemain. Pour cette raison, il est de première importance de vous assurer de faire part de vos échanges à vos rédacteurs, abonnés, fidèles et adeptes. Vous investissez-vous à créer un espace accessible, mais en étant confronté à plusieurs obstacles dans votre démarche? Informez-en les gens! Le parcours est tout aussi important que la destination.

Deuxième étape : Identifiez les obstacles et éliminez-les

Les obstacles peuvent joncher le parcours de certaines personnes qui souhaitent faire des propositions à votre magazine, mais aussi nuire à l’accessibilité de ces propositions. La seule véritable façon de cerner la nature de ces obstacles est de poser des questions. Envoyez des sondages aux lecteurs, des infolettres hebdomadaires (et, dans ces infolettres, demandez à vos abonnés actuels de les transmettre à des connaissances qui ne savent pas que votre magazine existe).

Troisième étape : Utilisez l’approche du miroir : Votre personnel et les membres de votre gouvernance reflètent-ils le public cible que vous visez? Dans la négative, apportez les correctifs nécessaires

La majorité des personnes qui soumettent des propositions à des magazines examineront ce bloc-générique pour déterminer la diversité qui entre dans la composition des équipes de rédaction et de gouvernance :

  • personnes de couleur
  • diversité des niveaux d’éducation
  • femmes, personnes non binaires, trans
  • personnes autochtones
  • Personnes ayant diverses aptitudes et incapacités

La liste se poursuit. Quel est ce vieux dicton? Soyez le changement que vous souhaitez préconiser. Mettez ce principe en pratique tous les jours. Bien que la liste qui précède ne soit pas exhaustive, je sais, à titre de rédacteur et de réviseur, que ces aspects sont très importants à mes yeux.

Quatrième étape : Mobilisation communautaire

La tenue de vos propres événements est une façon sans pareille d’attirer l’attention et de bâtir un auditoire plus vaste pour votre magazine, mais le fait d’assister à d’autres événements que les vôtres, de rencontrer des gens, de faire du réseautage et de soutenir d’autres organismes locaux est également une façon sans pareille de bâtir une communauté et de la consolider.

Cinquième étape : Établissement de relations

C’est une chose que d’établir des relations solides avec la communauté, mais envisagez également d’en faire autant avec des organismes qui œuvrent dans un autre milieu que celui de l’édition. Parlez à des propriétaires d’établissements locaux, de cafés, de restaurants et autres pour mettre en œuvre l’approche des trois clés citée précédemment, et voyez si vos objectifs concordent avec les leurs. Veulent-ils augmenter leurs ventes d’aliments? Demandez-leur s’il serait possible d’organiser un événement dans leur établissement, ou de collaborer de toute autre façon (des rabais pourraient s’appliquer de part et d’autre).

Sixième étape : Mesures que vous pouvez mettre en œuvre dès maintenant

  • Transparence par le biais d’infolettres hebdomadaires.
  • Former un comité sur l’égalité et l’inclusion et le placer au cœur de toute décision que doit prendre votre organisme.
  • Mener des vérifications annuelles à propos du langage sur votre site Web, et produire d’autres formes de documentation pour vous assurer que le langage que vous utilisez est inclusif.

Septième étape : Fiabilité et réévaluation constante

Ici encore, préconiser la diversité n’est pas qu’une question de cases à cocher. Le travail que vous accomplissez afin que votre organisme soit le plus inclusif possible, à l’interne et à l’externe, devrait être quotidien et faire partie intégrante de votre mandat. Faites une vérification régulière afin de vous assurer d’être sur la bonne piste et pour trouver des façons de constamment vous améliorer. Une excellente façon de veiller à ce que cela fasse toujours partie de votre liste de choses à faire est de l’inscrire dans vos activités quotidiennes. Demandez-vous si chaque décision que vous prenez est la plus inclusive possible. Si la réponse est négative, prenez du recul et essayez de nouveau. C’est la nature même du travail. Magazines Canada


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Feature photo: The Jopwell Collection

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